Gérard Gelé
Il est bien connu que la logique énarchique française consiste à répondre à tout problème par une nouvelle taxe.
Encore faut-il ajouter que la nouvelle taxe est le plus souvent choisie pour sa complexité et son coût de collecte.
L’entretien des routes ou la pollution routière sont ainsi des problèmes simples, auxquels il aurait été facile de répondre par l’augmentation de la TIPP ( taxe intérieure sur les produits pétroliers ).
Cette augmentation aurait présenté, au moins, l’avantage d’un faible coût de perception de l’impôt. La taxe existant déjà, il n’était pas nécessaire de créer un nouveau système de collecte ; la taxe étant prélevée sur une assiette large (tous les utilisateurs de carburant), on pouvait éviter que quelques catégories soient fortement pénalisées par sa hausse…
Encore une hausse de taxe, direz-vous peut-être. Certes. Mais il vaut mieux taxer ce qui est indésirable (la pollution, la congestion routière…) que ce qui est désirable (le travail, l’épargne).
Taxer les carburants ne dit rien sur ce que l’on fait des recettes correspondantes. On peut les affecter à l’entretien des infrastructures routières, financer les collectivités locales, baisser d’autres impôts aux conséquences négatives, financer une allocation pour les bas revenus, affecter la recette au désendettement public… Bref, n’importe quel choix, à la discrétion des priorités du gouvernement.
Mais, dans notre cas, au lieu de cette solution simple, nos énarques ont inventé l’écotaxe.
À partir de là, tout a été à l’avenant.
Un partenariat public-privé fut négocié de manière précipitée, dans des conditions douteuses.
Des statuts dérogatoires furent accordés en fonction de considérations électoralistes.
Le système allemand, fort coûteux, mais qui est surtout chargé de compenser la gratuité des autoroutes dans ce pays, fut copié. Et, transposé en France, il a entraîné une assiette de la taxe trop faible…
Et, pour finir, nous avons obtenu un coût de collecte ahurissant !…
Il est loin, le temps où l’on guillotinait les fermiers généraux…
Comment en arrive-t-on à fabriquer de telles usines à gaz ? Cela vient, bien sûr, de la multiplication des contraintes imposées à l’action gouvernementale (les PPP résultent de la volonté de dissimuler l’endettement public, limité par les traités européens). Mais cela vient aussi de la volonté de dissimuler, derrière cette complexité, les gagnants et perdants de l’opération.
Le principe du PPP est simple : un donneur d’ordre public passe une commande de travaux à une entreprise privée qui, avec la garantie d’État auprès de son banquier, proposera le projet en leasing (location-vente) au lieu de le vendre. Avec une garantie absolue d’être payée : du gagnant-gagnant-gagnant !
Gagnant l’entreprise, qui peut s’offrir une rente souvent confortable, garantie par l’État, même si le projet n’est pas viable. Gagnant le banquier qui, avec la garantie de l’État, prend un risque zéro dans cette affaire. Gagnant le donneur d’ordre qui peut continuer d’investir comme bon lui semble, même s’il n’en a pas les moyens financiers.
Moralité : si je comprends bien, il s’agit de permettre à l’État ou à la collectivité territoriale de continuer à s’endetter, sans que cela apparaisse dans ses comptes comme dette.
À ce jour, les PPP sont utilisés à outrance. Combien de milliards d’euros ont-ils été engagés ? Pour la banque de France, le leasing, c’est de l’emprunt. Vu notre dette publique, c’est alors une bombe à retardement en plus pour la France.
Décidément, en France, les profits sont privés, les déficits publics…