Gabriel Lévy
Nous avons évoqué dans un précédent article intitulé « les mystères du contrôle de
légalité préfectoral », les difficultés rencontrées par notre association pour obtenir de la part des services préfectoraux la prise en compte des irrégularités répétées de deux communes,
irrégularités toujours reconnues, mais (trop) tardivement, par la justice administrative.
Deux textes récents (1 et 2) nous incitent à poser la question : demande de déféré ou
recours ?
A la suite d’un rapport exhaustif fait par une commission du Sénat, le ministère de
l’intérieur a produit une circulaire définissant les actes prioritaires en matière de contrôle de légalité. A juste titre, « la commande publique, l'urbanisme et l'environnement et la fonction
publique territoriale », sont prioritaires, et » au sein de ces champs, d'actes prioritaires par la présente circulaire, dont le taux de contrôle doit être porté à 100% d'ici 2015 ».
La circulaire souhaite cependant « la détermination d'une méthode pour l'exercice du
contrôle de légalité des actes n'entrant pas dans la catégorie des actes prioritaires, compte tenu de l'interdiction soulignée par la jurisprudence d'exclure a priori et de façon systématique du
champ du contrôle des actes soumis à l'obligation de transmission».
Nous admettons les difficultés de ce contrôle, comme le fait le rapport du sénat dans son
chapitre : « le contrôle de légalité : une passoire à géométrie variable », qui « serait perçu par les élus « comme une fiction » et qui s’interroge sur sa « disparition de facto
».
Le diagnostic est sévère, mais le Préfet des Bouches du Rhône peut rappeler aux
contempteurs que nous sommes, ses effectifs réduits (in 2) : « Au total, l'effectif des contrôles de la préfecture des BdR, des sous-préfectures et des services déconcentrés s'élève à 14,1 ETP
».
A cet argument, nous pouvons avancer celui cité par ce rapport et selon lequel « en
pratique, le préfet peut obtenir la modification d'un acte bien plus rapidement qu'un individu par la voie du dialogue avec la collectivité, et compte tenu de la menace du déféré ». Ainsi,
prouvant l’efficacité de la démarche : « en 2009, les déférés ne représentent que 2 % des actes ayant fait l'objet d'observations dans le cadre du contrôle de légalité », sachant par ailleurs que
la « circulaire du 17 janvier 2006 fait, quant à elle, remonter le dialogue encore plus en amont, puisqu'elle recommande aux préfets « d'informer par un entretien personnalisé
l'autorité locale compétente avant l'envoi d'une lettre d'observations »
Or, le rapport sénatorial justifie nos recours : « les affaires menées par des
particuliers à l'encontre d'actes pris par les collectivités se sont multipliées de manière considérable, avec, en outre, un taux de satisfaction non négligeable, de 44 % en 2010 ». Un fois sur
deux le recours est considéré comme fondé par la justice administrative.
Manque d’effectifs pour des déférés préfectoraux ?
Mais n’est-il pas plus coûteux de mobiliser quatre magistrats et le greffier d’un tribunal
pour l’analyse de faits qui, dans la moitié des cas aboutit – tardivement - à l’annulation d’une décision ou d’une délibération d’une collectivité locale, alors que la dite collectivité se soumet
dans 98 % des cas aux observations du Préfet.
Ajoutons que, pour donner de la « consistance » à ses demandes de déféré
préfectoral, notre association a toujours eu la « prudence » de les fonder sur les mêmes moyens qu’elle a produits dans ses recours au tribunal administratif. Ces moyens, que
le préfet n’avait pas retenus, lui ont pourtant toujours permis d’obtenir des jugements en sa faveur.
Proposons au ministre de compléter sa circulaire pour recommander aux préfets de ne pas
négliger les demandes de particuliers, surtout celles émanant d’associations. Si le rapport du Sénat précise que l’efficacité des recours formés par les particuliers est de 44 %, il est probable
que ce pourcentage est plus élevé lorsqu’il s’agit d’associations. Il est certain aussi que, désormais aguerries, leurs arguments seront juridiquement de moins en moins contestables.
1) Circulaire du 25 janvier 2012, Définition nationale des actes prioritaires en matière
de contrôle de légalité (NOR: IOCB1202426C),
2) Rapport d’information fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à
la décentralisation sur les contrôles de l'État sur les collectivités territoriales, par M. Jacques MÉZARD (Sénat le 25 janvier 2012)